CELEBRONS ARAGON !
(lalalalonlère et lalalalonlon)
(1897- 1982)
A l'occasion du 110ème anniversaire de la naissance du grand poète et prosateur Louis Aragon, le Sous-Lieutenant P.M. Karpov a eu à coeur d'exhumer des aspects de l'artiste que, curieusement, le journal "L'Humanité" a omis de mettre en valeur dans son panégyrique.
Alors brièvement : ARAGON Louis, né et mort à Paris, co-fondateur du mouvement surréaliste (avec André Breton, Paul Eluard, Antonin Artaud, René Char, Luis Buñuel, Salvador Dali, etc.) ; dès qu'il entre au Parti Communiste Français, produit des poèmes à la gloire de l'URSS et des romans de "critique sociale" ; durant l'occupation allemande, ne fait rien de particulier hormis des poèmes classicisants ; ensuite il "réfléchit" sur l'art, la poésie, tout ça, devient une sorte de dandy surmonté d'un beau chapeau, souvent accompagné de quelques "mignons" et après, hop ! meurt donc à 85 balais.
Il est temps de faire à la place du PCF ce que le PCF n'a pas fait : réhabiliter la mémoire du poète. C'est le S-L K. qui s'y colle volontiers. Tout petit il a mémorisé les beaux vers d'Aragon, en écoutant les chansons de Léo Ferré et de Jean Ferrat (sorte d'Akhenaton des années 70) et une fois, il a même vu Aragon de dos, déambulant avec écharpe de flanelle et Panama blanc, flanqué de 2 mignons. Dès lors, il en conçut un indicible sentiment de gratitude.
Si on a l'idée saugrenue de raconter Aragon aux enfants (même s'ils n'ont pourtant rien fait de vilain), il faut insister sur un 1er point : dans les années 30 chez les artistes, il n'y eut pas plus patriote que Louis, pardon, que lui.
1. ARAGON PATRIOTE
Aragon était tellement patriote que même son vit était bleu blanc rouge.
(la couverture de lit du Louis)
Il avait fait vocation d'aimer son pays avec la plus tenace passion. Qu'on hisse le drapeau tricolore et la larme lui venait d'abord à l'oeil gauche, puis au droit (toujours le même ordre). Tout ce qui était estampillé "français" le ravissait jusqu'à pâmoison. Il se plaçait au 1er rang de toutes les célébrations, cérémonies et rites patriotiques et là, il faisait la claque à s'en faire saigner les menottes. En matière de nombre d'avions ou de chars de "notre" armée (celle qui allait se faire bousiller en 5-sec quelques années plus tard), il était incollable. Oui, Louis avait un côté militariste vers lequel le faisait pencher sa "patriotitude", comme dirait la Bourgeoise.
Il était persuadé que, du fil à couper le beurre jusqu'aux bretelles élastiques, "son" pays avait tout inventé, tout créé et il en concevait une adoration béate, pour ne pas dire "béante".
En même temps, si on persiste dans cette volonté surréaliste de conter Aragon aux petits n'enfants, il faudra leur dire qu'en même temps qu'il était hyper-patriote, Louis était aussi et tout autant passionnément "communiste", càd pour l'époque, stalinien, parce qu'en ce temps-là voyez-vous, Iossip Vissarionovitch Dougachvili dit "Staline" était bien vivant, en pleine forme, en train de liquider de bas en haut et de long en large toute la génération qui avait accompli la Révolution d'Octobre 1917.
2. ARAGON STALINIEN
(le poster au-dessus du drap de lit tricolore de Louis)
Aragon était tellement stalinien qu'il avait versifié les minutes des procès de Moscou (1935 à 38), ces grandes purges filmées par lesquelles le "petit Père des Peuples" (et du petit Louis) élimina toute opposition à la "ligne du Parti".
Cela n'alla pas sans cahots pour la carrière artistique du p'tit Louis. En 1933, il était allé en URSS pour attacher les lacets de son petit Père, boutonner sa vareuse et lui lisser les moustaches. Là-bas, Papa Joseph indiqua à P'tit Louis que le mouvement surréaliste (dont il était un des piliers) était une manifestation de la dégénérescence petite-bourgeoise occidentale. Aussi sec, P'tit Louis rentra au pays et signa un texte crachant sur le surréalisme. Quand le poète André Breton écrivit un cinglant désaveu du "nouveau" P'tit Louis, celui-ci n'hésita pas à le menacer de se suicider mais apparemment, il ne mit pas sa menace à exécution. La passion ne se négocie pas, comprenez-vous.
(André Breton - portrait par Man Ray - le plus connu des surréalistes, poète ami d'Eluard, de Frida Kahlo et de...Louis Aragon. Puis plus ami avec ce dernier)
P'tit Louis exigea notamment la fin de la collaboration de Dali au groupe surréaliste, car il avait découvert grâce à Papa Joseph que les toiles du peintre avaient un caractère "pornographique". Devant le refus de ses désormais anciens collègues, il les dénonça comme "contre-révolutionnaires", le tout au nom de sa conception "dialectique" de la vie. La "dialectique" à la Staline, ça ne se discute pas, voyez-vous.
Pour terminer, on demandera aux n'enfants à qui on a eu l'idée abracadabrantesque de raconter tout ça d'apprendre par coeur la petite comptine ci-dessous, en n'omettant pas de leur préciser que le "Guépéou" était la mouture précédente du fameux KGB (et, pour expliquer "KGB", leur dire : "c'était le cagibi où l'on enfermait les vilains qui suivaient pas la "ligne du Parti"") :
[Extrait de "Prélude au temps des cerises"]
IL NOUS FAUT UN GUEPEOU
Il s'agit de préparer le procès monstre d'un monde monstrueux Aiguisez demain sur la pierre Préparez les conseils d'ouvriers et soldats Constituez le tribunal révolutionnaire J 'appelle la Terreur du fond de mes poumons Je chante le Guépéou qui se forme en France à l'heure qu'il est Je chante le Guépéou nécessaire de France Je chante les Guépéous de nulle part et de partout Je demande un Guépéou pour préparer la fin d'un monde Demandez un Guépéou pour préparer la fin d'un monde pour défendre ceux qui sont trahis pour défendre ceux qui sont toujours trahis Demandez un Guépéou vous qu'on plie et vous qu'on tue Demandez un Guépéou Il vous faut un Guépéou Vive le Guépéou figure dialectique de l'héroïsme Vive le Guépéou véritable image de la grandeur matérialiste Vive le Guépéou contre dieu chiappe et la Marseillaise Vive le Guépéou contre le pape et les poux Vive le Guépéou contre la résignation les banques Vive le Guépéou contre les manoeuvres de l'Est Vive le Guépéou contre la famille Vive le Guépéou contre les lois scélérates Vive le Guépéou contre le socialisme des assassins du type Caballero Bancour Mac Donald Zoergibel Vive le Guépéou contre tous les ennemis du Prolétariat VIVE LE GUÉPÉOU
(LOUIS ARAGON, 1931) [on fera remarquer à la jeune assistance que, 4 années plus tard le petit Père Noël soviétique
exauça le voeu du p'tit Louis. Les grandes purges firent, selon les estimations, entre 7 et 8 milions de victimes.]
Vive Louis Aragon ! Vive la France ! Vive Staline ! Vive le PCF ! Vive l'Art et les cochons !