Du plus loin que me revienne L'ombre de mes pantoufles anciennes Du plus loin des premiers rince-doigts Du temps des premières laines Lors j'avais 35 ans à peine Habillée comme un gland, lunettes et longs doigts Que ce fût, j'étais pas précoce De droles de fantasmes de grosses Ou les morsures d'un teckel froid Du plus loin qu'il me souvienne Si depuis j'ai dit "je m'aime" C'est que ma plus bell' histoire d'amour, c'est moi.
C'est vrai que je fus très sage Et j'ai mis tout le monde en rage Sans rien dire, muette et ni vue, pas encor connue C'est vrai que je fus très sage Et mes curés de passage A peine entr'aperçus, déjà disparus Mais à travers leurs soutanes C'était déjà mon image C'était moi déjà, le cou nu Je défaisais mon bagage et poursuivais mon mirage Ma plus belle histoire d'amour, c'est moi.
Sur la longue galère qui menait vers moi Sur la longue galère j'allais en émoi Le vent de novembre me gelait les doigts Qu'importait novembre si c'était pour moi. Qu'elle fut longue la route Mais j'me la suis tapée toute Celle-là qui menait jusqu'à moi Et je ne suis pas parjure Si ce soir je me jure Que pour moi, je l'eûs faite à genoux Il en eût fallu bien d'autres Que quelques mauvais apôtres Que l'hiver ou la boue à mon g'nou [prononcer "j'nou"] Pour que je perde patiencitude Et j'ai calmé mon anxyogénissitude ma plus belle histoire d'amour, c'est moi
Mais tant d'hivers et pas mal d'automnes De nuits, de jours et personne Qui vienne au rendez-vous Et de moi prenant ombrage Soudain me venait la rage Mon Dieu que j'avais besoin de moi Que le Grand Cric me croq' et m'emporte ! D'autres m'ont claqué la porte Dans la gueule. Je m'en allais loin de moi Oui, je me fus infidèle Mais me revenais quand-même Ma plus belle histoire d'amour, c'est moi
J'ai pleuré des litrons de larmes Mais comm'il me fût doux Ce premier sourire denté de moi Et pour une larmiche qui venait de moi J'ai chialé comm'un veau, j'm'en souviens bien, quoi ! Ce fut encor un soir de novembre J'étais venu attendre Ici même, je ne sais plus quoi A me regarder, à m'esbaudir A m'adorer sans rien dire C'est là que j'ai compris tout à coup J'avais fini le délire J'ai même congédié mon fakir J'étais venu au rendez-vous Qu'importe ce que le goret peut en dire Je tenais, moi, à me le dire Ce soir je me remercie beaucoup de moi Qu'importe c'que les éléphants peuv' t'en dire Tant que moi, je pourrai me dire Ma plus belle histoire d'amour, Eh ben...c'est moi, na !