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21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 17:08


MARX, L'"ANTI-SEMITE"

         Dans sa "Question juive" auquelle répond celle du jeune Marx, Bruno Bauer pose comme condition générale à l'émancipation civique des Allemands l'exigence sine qua non que l'homme renonce à toute religion et, par là-même, que le Juif renonce au judaïsme. Il s'agit également d'une injonction à l'Etat d'abandonner toute religion officielle.

         
Marx approfondit l'analyse de Bauer dans son opuscule éponyme:

         "...la preuve est faite que l'existence de la religion ne s'oppose en rien à la perfection de l'Etat. Mais, comme l'existence de la religion est l'existence d'un manque, la source de ce manque ne peut être recherchée que dans l'essence même de l'Etat. Nous ne voyons plus, dans la religion, le fondement, mais le phénomène de la limitation laïque. C'est pourquoi nous expliquons l'embarras religieux des libres citoyens par leur embarras laïque".

       
    Il explicite ce point un peu plus loin :

         "La question des rapports de l'émancipation politique et de la religion devient pour nous la question des rapports de l'émancipation politique et de l'émancipation humaine".

         Marx écrit ces lignes à 25 ans. Il n'a pas attendu l'âge "mûr" pour contester à la religion la mission d'une réelle émancipation politique. Tout au contraire, il assimile Etat et religion dans l'aliénation de l'homme. Lutter contre la religion, c'est lutter contre l'Etat, qu'il soit absolutiste ou démocratique :

          "S'émanciper politiquement de la religion, ce n'est pas s'émanciper d'une façon absolue et totale de la religion, parce que l'émancipation politique n'est pas le mode absolu et total de l'émancipation humaine.
        La limite de l'émancipation politique apparaît immédiatement dans ce fait que
l'Etat peut s'affranchir d'une barrière sans que l'homme en soit réellement affranchi, que l'Etat peut être un Etat libre, sans que l'homme soit un homme libre".

       Le Vieux se tient déjà là, tout entier ! La spécificité de la théorie marxienne tient, entre autres, à sa critique de l'Etat en tant que structure non habilitée à "émanciper" qui que ce soit et quoi que ce soit. Pour que s'émancipent les hommes, il faut que l'Etat
soit détruit
. Ceci étant une autre affaire, revenons à nos brebis.

         "L'Etat peut s'être émancipé de la religion, même si la très grande majorité ne cesse pas d'être religieuse, du fait qu'elle l'est à titre privé".

        Ce qui correspond à la situation des Etats "laïques", où existe la séparation d'avec les religions.

         "...l'attitude de l'Etat, de l'Etat libre surtout, envers la religion, n'est que l'attitude, envers la religion, des hommes qui constituent l'Etat. Par conséquent, c'est par l'intermédiaire de l'Etat, c'est politiquement, que l'homme s'affranchit d'une barrière, en s'élevant au-dessus de cette barrière, en contradiction avec lui-même, d'une manière abstraite et partielle".

         Un "croyant" peut tout-à-fait s'accommoder d'un Etat qui ne l'est pas, c'est-à-dire qui ne prône aucun culte "officiel". Il existe là une contradiction plus ou moins bien assumée par la grande majorité des "citoyens" croyants.

        "En outre, en s'affranchissant politiquement, c'est par un détour, au moyen d'un intermédiaire, intermédiaire nécessaire il est vrai, que l'homme s'affranchit".

        L'Etat laïque affranchit institutionnellement les hommes et ce n'est qu'un affranchissement symbolique.

        "Enfin, même quand il se proclame athée par l'intermédiaire de l'Etat, c'est-à-dire quand il proclame l'Etat athée, l'homme demeure toujours limité au point de vue religieux, précisément parce qu'il se reconnaît tel que par un détour, au moyen d'un intermédiaire. La religion est donc la connaissance de l'homme par un détour et un intermédiaire".

       Cela revient à constater que la religion s'accorde tout-à-fait avec l'existence de l'Etat et pour cause : tout comme ce dernier, elle constitue l'intermédiaire entre l'homme et son aspiration à l'émancipation réelle. 


[à suivre]         
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