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4 avril 2008 5 04 /04 /avril /2008 18:28

ANARCHISTES ET BOLCHEVIKS

V

       Nous abordons maintenant l'analyse des raisons pour lesquelles à la fin du XIXème siècle, les conditions socio-économiques furent favorables à l'anarchisme en Espagne et au marxisme en Russie.
     A cette époque, 87% des Russes vivent à la campagne et 81,5% de ceux-là sont paysans. Dès le début du XXème siècle, ce pourcentage diminue à cause d'un exode rural massif. Environ trois millions de personnes "flottent" entre activité industrielle et rurale.
    



       L'Espagne à la même époque est "en retard" économique. Les rapports de production capitalistes se profilent à peine. 70% de la population active travaille dans l'agriculture et l'élevage.
     Cependant, les formes de protestation sociale suscitées par cette arriération prennent un aspect différent dans chacun de ces deux pays.

      On remarque aussi la nature despotique des Etats espagnols et russes.
     Il existe un parallèle naturel entre tsarisme et despotisme asiatique. En effet, la Russie et l'Asie sont en continuité géographique. La Russie est elle-même à cheval sur l'Asie centrale.
    Comparons avec l'Espagne : sous les Habsbourg et sous l'influence de la Sainte Inquisition qui entretenaient les préjugés raciaux - la "limpieza de sangre" - la monarchie espagnole empêcha l'essor de la bourgeoisie naissante, condamnant le pays à la stagnation  économique et l'ancienne classe dominante à la décomposition. Léon Trotski écrit :

      "Les nobles hautains couvraient souvent leur orgueil de capes trouées" (Publications de la IVème Internationale).

      Il fait ainsi une distinction entre absolutismes russe et espagnol. Selon lui, le tsarisme s'est formé sur la base du "développement extrêmement lent" de la noblesse ainsi que des villes.
      La monarchie espagnole quant à elle s'est forgée dans des conditions de "décadence" du pays et de "putréfaction" des classes dominantes :

      "Si l'absolutisme européen put se développer grâce à la lutte des villes, en voie de consolidation, contre les vieilles castes privilégiées, la monarchie espagnole, de même que le tsarisme russe, puisait sa force relative dans l'impuissance des vieilles castes et des villes" (idem).

      En Espagne à la fin du XIXème siècle, les paysans formaient environ 85% de la population, dont 55% journaliers et 34% propriétaires.
        Manque de terres, manque d'eau, prix élevés du fermage, outillage agricole primitif, méthodes de culture rudimentaires,impôts élevés, prélèvements de l'Eglise, prix des produits industriels inaccessibles, surpopulation agraire, nombreux chemineaux et mendiants, voilà le tableau de la campagne espagnole au XIXème siècle.

      


        La paysannerie privée de la possession des terres, accède par force au salariat et donc au prolétariat agricole. Cette évolution fut au coeur de la polémique entre anarchistes et marxistes à propos de la nature réactionnaire des petits paysans.
    Les anarchistes libertaires affirmèrent les possibilités révolutionnaires de la classe paysanne et du petit artisanat. Ils n'avaient pas assez d'invectives pour dénoncer le matérialisme historique, selon lequel la position sociale, les conditions d'existence et les techniques de travail déterminaient l'idéologie réactionnaire des paysans.
    




    
    Ce que Marx s'attache à démontrer est que le prolétariat ne devient une force révolutionnaire que s'il évolue de l'artisanat vers l'industrie car dans ce cas, le procès de production l'incorpore dans une classe obligée
par les nouvelles conditions qui lui sont faites de s'unir et de s'organiser. Et ce sont précisément cette discipline et cette organisation exigées par la condition ouvrière qui obligent en même temps les prolétaires à accepter la routine de l'usine, ainsi que la soumission immédiate aux exigences des contremaîtres. Il est vrai aussi que le flux migratoire entre la campagne et la ville constitue un catalyseur qui avive la ferveur révolutionnaire traditionnelle du prolétariat naissant. Résultats d'un mode de production pré-industriel, les habitudes des immigrés ruraux se heurtent aux normes sociales et à la frénésie urbaine. Ils n'ont rien à perdre et leur présence radicalise l'atmosphère de la ville.

    


    
         Revenons à la polémique, en dégageant deux points principaux :

     - les anarchistes contestent que les "possibilités révolutionnaires" soient l'exclusivité du prolétariat industriel dans une région industrielle ;

     - en conséquence ils qualifient de "méprisante" l'attitude du marxisme à l'égard de la paysannerie et de l'artisanat.

    Prenons les "possibilités révolutionnaires" en Espagne fin XIXème-début du XXème siècle. Il faut distinguer petits paysans et journaliers (braceros). Ceux-là constituent 80% de la population du Sud.
      Le petit paysan est propriétaire du lopin qu'il cultive avec sa famille et qui lui permet de la nourrir. A l'instar de l'artisan, il se distingue des travailleurs modernes comme produit d'un mode de production condamné à péricliter. Il est souvent un futur prolétaire mais pour autant, cela ne le rend pas sensible aux théories révolutionnaires.

     "Le sentiment de la propriété qui est ancré en lui, l'en empêche encore. Plus il est obligé de lutter avec âpreté pour conserver son petit lopin de terre, plus le désespoir le fait s'y cramponner fermement, plus aussi le social-démocrate qui parle de transfert de la propriété foncière à la communauté lui paraît être un ennemi aussi dangereux que l'usurier et l'avocat" (Friedrich Engels).

     



     
        C'est dans ce sens que la théorie marxiste explique pourquoi les paysans et les artisans ne peuvent être que réactionnaires en politique. Par instinct de survie, ils s'opposent au développement du capitalisme qui menace directement leur existence. "Ils cherchent à faire tourner à rebours la roue de l'histoire" dit V.Lenine dans Karl Marx et sa doctrine.
     





        La seule possibilité pour ces classes d'échapper au conservatisme est la perspective de leur prolétarisation. Dans ce cas elles sont poussées à défendre non leurs intérêts immédiats mais leur intérêt futur.

[Tina LOBA]  



      
 
    
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